La montagne de la Rhune est le plus haut sommet de la province du Labourd. Lieu de visite incontournable du tourisme en Pays Basque, depuis bien des années déjà, un petit funiculaire permet d'en accéder au sommet sans le moindre effort. La Rhune culmine péniblement à 1100 mètres d'altitude. Posé sur sa cime tel le cheveu sur la tête à Matthieu, son émetteur de télévision défie les dieux et les albatros qui se rient néanmoins de ce ridicule poil d'aluminium.
C'est dans un texte du chroniqueur romain Isotope Bécrèle qu'il est pour la première fois fait mention de la montagne de la Rhune. Isotope Bécrèle nous conte qu'en 92 avant J.C, une demi-douzaine de bateaux vikings remontèrent à la tombée de la nuit la petite rivière Nivelle - l'infrastructure de leurs navires à fond plat les autorisaient en effet à naviguer dans un très faible tirant d'eau. Ces farouches marins nordiques revenaient de Carthage qu'ils avaient mise à sac. Avec armes, bagages, femmes et enfants, ils avaient décidé de s'octroyer alors un petit détour touristique avant de s'en retourner dans leurs sinistres contrées glacées d'origine. Mais, comme nous l'allons voir, le périple de détente de ces redoutables guerriers va vite tourner au cauchemar pour ces hommes du nord pourtant habitués au pire...
À hauteur de l'actuel village d'Ascain, les drakkars des barbares sont interpelés par une foule agitée qui se presse sur les berges moussues à la lueur des flambeaux : ce sont les Basques.
En ces temps reculés, la légendaire hospitalité du peuple basque n'en est qu'à ses balbutiements et les impétueux scandinaves se méprennent alors sur les intentions véritables des autochtones qui vocifèrent des "Boga ! Boga !" guturaux en brandissant des pioches surmontées de rameaux de platanes. Devant ces manifestations de sympathie, appuyées certes, mais tellement maladroites en somme, les Vikings quittent précipitemment leurs navires désormais en flammes et parviennent péniblement à se réfugier au sommet de la montagne y établissant un camp retranché de fortune.
Les Vikings occuperont le site durant près de 200 ans, se reproduisant entre eux, se nourrissant de racines, d'abricots sauvages, de chèvres égarées et de mouettes jetées contre les flancs de la montagne par les vents facétieux du Golfe de Gascogne.
On peut se demander comment une poignée d'hommes a pu résister si longtemps à une population locale bien supérieure en nombre. La réponse paraît relativement simple : Aux premiers siècles de notre ère, et toujours si l'on en croit Isotope, la montagne de la Rhune est considérée par les Basques des environs comme un lieu hautement sacré : La Rhune serait pour ces peuplades une sorte d'aéroport céleste d'où débarquent les divinités multiples de leur mythologie enfantine. Il est donc impossible pour eux, au risque de froisser la susceptibilité les dieux, de s'aventurer sur les pistes d'atterrissage.
Un jour pourtant, les Vikings disparurent de la surface de la montagne comme par magie. Furent-ils enlevés par les dieux pour leur outrecuidance persévérante ? Les Basques le pensent, bien sûr, mais les spécialistes de la génétique actuelle pencheraient plutôt pour la thèse de la consanguinité évaporatrice. Cette théorie élaborée en 1992 par le professeur Howard Nickelcröm tent à prouver que plus on se reproduit au sein d'une même famille, plus on a tendance à se dissoudre au contact de l'air au fil des générations.
Toujours est-il que quand les Basques de l'époque - devenus chrétiens entre temps - reprirent possession du sommet de la montagne, ils retrouvèrent effectivement les traces des précédents occupants du lieu : des pièces d'or carthaginoises, des trompes de chasse sculptées dans du granit, des bijoux en peau de hareng et partout aux alentours d'innombrables messages mystérieux gravés sur les rochers.
Cet épisode de l'histoire ancienne du Pays Basque nous amène tout naturellement à évoquer l'origine du nom de cette montagne et il faut bien avouer qu'il s'agit là d'un sujet qui porte depuis longtemps à controverse.
La thèse la plus communément admise - du moins dans la région - est celle de l'étymologie basque du nom : "larun" voulant signifier en langue basque "bon pâturage". Cependant, depuis quelques années, un aéropage de savants a avancé avec justesse que "rune" est un mot norvégien qui désigne les caractères des anciens alphabets vikings. Pour ces personnalités du monde scientifique, l'origine scandinave du nom de cette montagne ne fait aujourd'hui plus aucun doute. Certes, l'hypothèse semble séduisante, cependant comme signalé plus haut, de nombreuses inscriptions ont été relevées sur les rochers et paroies de la Rhune et ce sont ces traces mêmes qui mettent à mal cette théorie. En effet, il paraît hasardeux d'affirmer que "Jean-Baptiste aime Muriel" ou "à Nadine pour la vie" soient d'autenthiques inscriptions runiques, les prénoms "Jean-Baptiste", "Muriel" et "Nadine" étant très peu usités dans les pays nordiques du début de notre ère.
© 2004 Ignace de Gorostarzu - Xavier Lorente-Darracq